Pratiques de la folie


Séminaire 2008-2009

« Publics et mise en espaces »

 

Vendredi 12 décembre 2008 21h  petit amphi du 100 rue de la Santé

Emmanuel Brassat

La séparation des pouvoirs

La séparation des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire a été, dans la philosophie politique et le droit occidentaux, l’une des conditions de possibilité de l’émergence de l’Etat constitutionnel moderne, démocratique et/ou libéral, fondé sur le pluralisme, le respect de la liberté individuelle et des droits fondamentaux de la personne humaine qui en découlent. Or pour qu’il y ait une telle séparation des pouvoirs, il faut également qu’un ensemble d’autres séparations soient admises et instaurées. Sur le plan institutionnel, il faut que l’Etat, la science et la religion soient des instances distinctes. Sur le plan social, il faut que l’Etat, la société civile et la personne privée soient nettement distingués. Tout cela nécessite une doctrine du sujet humain qui soit suffisamment partagée par la science, le droit, la religion et la personne privée. Protestantisme, droits de l’homme, science expérimentale et psychologie furent la matrice d’un tel sujet.

Par ailleurs, ne peut-être séparé que ce qui peut-être réuni. C’est là admettre que la séparation des pouvoirs implique l’unité du peuple et de l’Etat, la conciliation de la science et de la religion, la réunion de l’existence individuelle et collective. Une telle unité peut se concevoir et s’instaurer au sein d’un commun institutionnel défini comme intérêt général et bien public, ayant pour principe le maintien et le respect des droits individuels. Or si la réunion n’a plus lieu d’être, la séparation ne tient plus.

L’évolution actuelle observable des formes politiques semble être de tendre à augmenter la cohésion des pouvoirs au point de remettre en cause leur distinction mutuelle et donc leur séparation. De façon contradictoire, les décisions prises s’efforcent à la fois de réduire les dimensions de l’Etat et tout autant d’augmenter son contrôle sur la société, cela en l’absence d’un sujet individuel et collectif encore nettement déterminé, si ce n’est celui organisationnel et fonctionnel des conduites adaptatives. L’Etat, autrefois instance souveraine séparée de la société civile, tend désormais à intégrer l’ensemble des dispositions sociales à son propre fonctionnement organique et régulateur, au contrôle et à la surveillance. Ce faisant, l’ensemble des séparations qui rendaient possible la séparation des pouvoirs ont également tendance à se défaire.

Emmanuel Brassat est philosophe et critique d’art, professeur à l’IUFM de Versailles

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