“NUL N’EST CENSÉ IGNORER LA SCIENCE”
Tel est le moderne impératif catégorique que Jean-Pierre Changeux, Président du Comité National d’Ethique, inscrirait volontiers aux portes de la cité.
Les neuro-sciences s’avancent en effet dans la dernière décennie comme les sciences reines. Mais le désir de mettre à jour les logiques du cerveau semble glisser vers une prétention à dire le vrai sur l’homme et le juste pour la communauté.
La science serait-elle fondée à énoncer l’éthique des
justes rapports des hommes neuronaux entre eux? Dans ce rêve moderne la folie, réduite à un agencement malencontreux des molécules, ne po-· serait pas d’autres problèmes éthiques que la médecine d’un cerveau malade. Dès lors, le lieu de la folie ne serait plus dans la communauté humaine, mais bien dans le cœur idéal de la médecine. l’hôpital réduit à son plateau technique. La psychiatrie devrait s’y réconcilier avec la norme nouvelle, celle du chiffrage, et pour cela se soumettre au double impératif du calcul :
- mise en série de la clinique (DSM 3)
- évaluation(PirSI) sous l’œil vigilant de la raison gestionnaire
De la folie en tant qu’erreur de calcul, aux pratiques de la folie comme calculables n’y aurait-il donc qu’un pas ?
* Interview au journal Libération du 4.11.1992